jeudi, octobre 07, 2004

Sur Beggars - According to the RS (extrait)

KEITH: Je ne me rappelle pratiquement rien de ces séances. C'est le blanc total. À ce moment-là, c'est probablement Charlie qui était le plus net de nous tous. Je me rappelle qu'on s'est éclatés, mais Dieu sait comment ça sonnait. On ressemblait d'assez près à ce qu'on voit sur la pochette! D'ailleurs, ce dont je me souviens le mieux, concernant ce disque, c'est la pochette, quand on est allés à New York avec Michael Cooper et qu'il y avait un Japonais avec un appareil qui pouvait donner cet effet 3D. On a construit le décor sous acide, on a fait tout New York pour trouver les fleurs et le reste des accessoires, on peignait ça à la bombe. On était complètement barrés et, après que les Beatles avaient fait Sergent Pepper, c'était du genre: «Essayons d'être plus ridicules encore.» Il y avait des batailles légales en cours, c'est une des raisons pour lesquelles le disque est si déjanté. On avait l'esprit totalement occupé par cette merde et on essayait en même temps de remplir nos obligations, si bien qu'en dépit du fait que la hache soit tombée, c'était: «Je vais continuer à m'éclater pendant un moment encore.» C'était donc vraiment un album de défoncés et le choc de la hache y est pour beaucoup, mais en réalité l'effet de ce choc ne s'est vraiment fait sentir que sur le disque suivant.
MICK: Si Andrew Oldham est parti, c'est parce qu'il avait le sentiment qu'on n'était pas concentrés et qu'on se conduisait de façon puérile. Ça n'a pas vraiment été un grand moment, et j'imagine que ça ne l'a pas non plus été pour Andrew. Il y avait beaucoup de distraction, et dans ces cas-là on a toujours besoin de quelqu'un qui vous recadre. C'était le boulot d'Andrew. Et puis on avait l'impression qu'Andrew ne savait pas exactement ce qu'il voulait : il voulait tout et son contraire. Il avait cru pouvoir se faire des tonnes de fric dans le business, mais il le dépensait entièrement dans des projets périphériques.
KEITH: Andrew a comme qui dirait disparu au moment où on a été arrêtés pour drogue, mais je ne dirais pas qu'il constituait notre priorité à cette période. Quand on se fait arrêter, on ne pense pas vraiment à qui, quoi et pourquoi; on se dit seulement: «Comment je vais pouvoir m'en sortir?» Mais son absence a contribué à une remise en question de la direction que nous devions prendre, et ce n'était pas forcément la même que lui. Le fait qu'il n'ait pas été là et se soit planqué quand on a été arrêtés a probablement contribué à accroître la distance entre nous.
CHARLIE: Je persiste à considérer Andrew comme un entrepreneur plutôt que comme un manager, bien que ce soit peut-être la même chose. Pour être honnête, je ne crois pas qu'on ait vraiment eu besoin d'un manager.
KEITH: Il y a une évolution entre les chansons de Satanic Majesties et celles de Beggars Banquet. J'en avais ras le cul des conneries du guru Maharishi, des perles et des clochettes. Dieu sait comment ces choses-là arrivent, mais je suppose que c'était une réaction à ce que nous avions fait pendant notre inactivité et aussi à cette brutale injection de réalité. Aucun doute là-dessus, un séjour à la prison de Wormwood Scrubs incite à la réflexion! Ça m'a fait vraiment chier de me faire arrêter. Ça a donc été: «Bon, on va évacuer tout ça.» Il y a beaucoup de colère dans la musique de cette période-là. Jumping Jack Flash et Street Fighting Man sont nées de ma fascination pour la possibilité d'enregistrer une guitare acoustique sur un magnétophone à cassettes, en utilisant celui-ci comme capteur, de sorte à pouvoir obtenir la clarté d'une acoustique, chose qu'on n'obtient jamais avec une guitare électrique, tout en saturant ce petit appareil afin que l'effet soit à la fois acoustique et électrique. La technologie commençait à devenir plus sophistiquée, mais moi je voulais la ramener à son stade le plus élémentaire.
J'ai acheté un des premiers magnétos à cassettes - un must pour un compositeur en herbe - et jour après jour j'ai enregistré avec et ai commencé à m'intéresser à la sonorité de l'appareil, à quelle distance de la guitare on pouvait placer le micro et quelles sortes d'effets on pouvait obtenir. Après tout, tout est électrique, même ce qu'on entend jouer par Segovia a dû passer par un micro et une forme quelconque de stimulation électrique avant qu'on l'entende. Cette petite boîte ne me quittait jamais, c'était comme mon carnet de notes. La première fois que j'ai eu l'idée de cette technique, j'étais en train de jouer, je gratouillais et je me suis endormi. J'ai réécouté le lendemain matin, j'ai entendu la guitare s'approcher de plus en plus du micro et ai été intrigué par les possibilités que ça offrait. En studio, j'apportais le petit lecteur de cassettes Philips, dégotais une petite enceinte en bois que je branchais à l'arrière du lecteur, plaçais un micro devant l'enceinte au centre du studio et enregistrais. On s'asseyait tous autour du petit micro pour le regarder enregistrer ce lecteur de cassettes, au beau milieu des Olympic Studios qui ont la taille de ces putains de Sadler's Wells (salle de ballet londonienne, ndt). Et puis on retournait écouter, on jouait par-dessus, on empilait tout ça et on avait notre morceau.
MICK : Je me souviens de la séance de Jumping Jack Flash et de ne pas avoir tellement aimé la manière dont ça s'est fait. C'était un peu du bricolage - même si le résultat final a été plutôt bon, ce n'était pas tout à fait ce que je voulais. La netteté n'était pas là; on n'en prenait pas plein la gueule comme on aurait dû. Ce qui a marqué un tournant, c'est le tournage du film promotionnel au cours duquel on a eu l'impression de tâtonner dans l'obscurité quand on compare à ce que sont devenus les clips.
CHARLIE: Jumping Jack Flash a été enregistré à Olympic; on l'a délibérément conçu comme un simple. Pour obtenir l'effet «(boum da, boum da), c'est Keith qui a joué de mon floor tom. Aujourd'hui il suffirait de le programmer et de le passer en boucle, ou quelque chose d'aussi idiot que ça. Le son de Jumping Jack Flash est très dense parce qu'on était assis tout près les uns des autres dans le studio, à la grande stupéfaction des ingénieurs du son actuels. Plus personne ne fait ça. Street Fighting Man a été fait sur le magnéto à cassettes de Keith avec une batterie jouet de 1930 appelée un London Jazz Kit Set que j'avais achetée chez un antiquaire et que j'ai toujours chez moi. Je l'ai apportée dans une petite valise, il y avait des supports métalliques sur lesquels placer les tambours; ça ressemblait à de petits tambourins sans les mini-cymbales. L'ensemble se replie, les tambours s'emboîtent les uns dans les autres, le petit dans la caisse claire à l'intérieur d'une boîte avec la cymbale. La caisse claire était fabuleuse parce qu'elle avait une peau très mince avec le «piège» juste dessous, mais seulement deux cordes de boyau. Keith adorait bricoler avec les premiers lecteurs de cassettes parce qu'ils saturent et que quand ils saturent ils ont un son incroyable, même s'ils ne sont pas conçus pour ça. On jouait généralement dans une des chambres à coucher de la tournée. Keith jouait de la guitare assis sur un coussin et la mini-batterie me permettait de m'approcher de lui. La batterie était vraiment forte comparée à la guitare acoustique, et sa hauteur tonale passait dans le son. Ça donnait toujours un super back beat. Street Fighting Man est une chanson amusante à jouer sur scène alors qu'on ne se bat plus dans les rues. Les paroles sont très inspirées par les événements de 1968 à Paris, époque à laquelle Mick les a écrites. C'était politique: ça n'allait pas changer la face du monde, mais c'était très fortement influencé par ce qui se passait.
KEITH: Mick écrivait la plupart des textes. Il pouvait m'arriver de suggérer un thème, peut-être même le premier vers, et de demander: «On va où, à partir de ça? ». Les paroles prolétaires sont de Mick, et je crois que c'était sa façon de réagir au coup de hache. J'ignorais ce qu'il allait pondre. Sympathy For The Devil, par exemple: le texte est entièrement de lui. Moi, je me demandais si ça allait être une samba ou une foutue folk song.
CHARLIE: Sympathy c'est le genre de chanson sur laquelle on essayait tout. La première fois que je l'ai entendue, c'est quand Mick l'a jouée près de la porte d'entrée d'une maison où je vivais dans le Sussex. C'était à un dîner; il l'a jouée tout seul en entier, le soleil se couchait - et c'était magnifique. On l'a jouée de toutes sortes de manières différentes - pour finir, j'ai simplement apporté une touche de jazz latin, du genre de ce que Kenny Clarke jouait sur A Night In Tunisia, pas exactement le rythme qu'il jouait, mais du même style. Heureusement que ça a fonctionné, parce que ça a été très complexe à assembler.
MICK: Il était devenu réellement urgent de faire un effort de mise au point. La technologie avait quelque peu évolué; sur nos premiers disques, il avait fallu superposer trop de choses pour arriver à obtenir ce que nous voulions - on appelait ça « faire du ping-pong », passer d'une piste à l'autre -, de sorte qu'on finissait par avoir un son très bordélique, un mauvais rapport signal/bruit. Ce qui avait commencé par être une super piste rythmique finissait en une espèce de bouillie, mais, à la fin des années 1960, on disposait de bien plus de pistes et on pouvait faire plus de choix sans avoir à perdre toute précision. Jimmy Miller avait produit avec Traffic un disque que j'aimais beaucoup: le son était très bon. On a donc décidé qu'on voulait expérimenter ce nouveau son.
CHARLIE: Indiscutablement, Jimmy Miller a beaucoup apporté au groupe. Parce qu'il avait une excellente oreille et était lui-même musicien, un percussionniste capable et désireux de participer qui s'est trouvé à Londres à une époque où il y avait quelques bons groupes dans le coin, parmi lesquels Traffic. Jimmy était très, très bon; celui qui se rapproche le plus de lui parmi les gens avec qui nous avons récemment travaillé, c'est Don Was.
KEITH: Jimmy est un des producteurs les plus sympas avec qui j'ai travaillé. Il savait gérer un groupe - et particulièrement le nôtre - et apporter à chacun le même degré d'encouragement. Il était lui-même un super-batteur, de sorte qu'il pouvait parler avec Charlie d'égal à égal, et il avait de très bons rapports avec Mick. Il acceptait toutes les idées. Il adorait l'improvisation. Je ne crois pas que j'aurais pu faire Street Fighting Man sans lui. Mes expériences énervaient parfois, mais Jimmy m'a beaucoup encouragé en me disant: «Allons au bout du truc et voyons ce que ça donne.»
MICK: n y a un parfum de country et de vieux blues dans des morceaux comme Prodigal Son. Il suffit de laisser sortir certaines parcelles de soi quand on le désire. Quand on a débuté, on voulait être un groupe de blues, et puis on a dévié vers la pop - parce qu’on voulait avoir du succès et passer à la radio - et ensuite on a commencé à devenir plus éclectiques. Pour ce qui est de la country, on en jouait mais on n'en avait jamais enregistré - ou, si on en avait enregistré, ça n'était jamais sorti. Keith et moi écoutions les disques de Johnny Cash et des Everly Brothers - qui étaient très country - depuis notre enfance. J'aimais la country music avant même de rencontrer Keith. J'adorais George Jones et la musique country rapide et qui bougeait, tandis que je n'aimais pas trop les chansons sentimentales. A mes yeux, tous les vieux chanteurs de rock étaient en fait des chanteurs country reconvertis: Jerry Lee Lewis en est l'exemple le plus évident, mais ça s'entendait aussi chez Gene Vincent ou Ricky Nelson. Les chansons country de Beggars Banquet comme Factory Girl ou Dear Doctor étaient en réalité des pastiches. 11 y a de toute façon un sens de l'humour dans la country, une façon de voir la vie de façon humoristique - et je pense qu'on commençait à saisir cet élément-là et qu'on s'en servait. Les chansons «country» qu'on a faites ultérieurement comme Dead Flowers sur Sticky Fingers ou Faraway Eyes sur Some Girls sont légèrement différentes. La musique ellemême est jouée de façon très orthodoxe, mais c'est moi qui biaise un peu, parce que si je crois que je suis un chanteur de blues, je sais que je ne suis pas un chanteur country - je trouve que ça convient plus à la voix de Keith qu'à la mienne.
KEITH: Pour moi, Factory Girl ressemblait un peu à Molly Malone, une gigue irlandaise, un de ces vieux trucs celtiques qui ressurgissent de temps à autre, ou encore à une chanson des Appalaches. A cette époque, je me pointais dans une pièce et m'asseyais pour jouer quelque chose. Je le fais encore. Si ça intéresse Mick, je continue à travailler dessus, si ça n'a pas l'air de l'intéresser, je laisse tomber, me lève et dis: «Je vais y travailler et te le ferai peut-être entendre un autre jour.»
CHARLIE: Sur Factory Girl, je fais une chose qui ne se fait pas; je joue du tabla avec des baguettes au lieu d'essayer d'obtenir ce son avec la main comme le font les musiciens indiens - mais c'est très difficile et douloureux quand on n'est pas un percussionniste chevronné.
KEITH: Pendant nos séjours aux States de 1964, 1965 et 1916, j'avais amassé une énorme collection de disques mais n'avais jamais eu le temps de les écouter tous. Fin 1966-début 1967, je les ai déballés et les ai vraiment écoutés. C'était comme de fabuleuses archives de blues; j'avais tout à coup le temps d'étudier de nouveau la musique et de l'écouter. On aurait dit que, pour la première fois depuis 1963, je pouvais me poser avec les autres pour écouter, et écouter encore. Au cours des trois années précédentes, j'avais été soit en train de composer une nouvelle chanson et de l'apprendre, soit de l'enregistrer. Je pouvais désormais m'offrir le luxe de redevenir un auditeur. Il faut bien que quelqu'un crée la musique, mais le vrai plaisir, c'est de l'écouter. J'avais l'occasion de refaire le plein et de réévaluer les choses, et puis il y avait un tas de musiques nouvelles dans l'air, pas seulement du blues mais de la musique indienne, gitane. Je me suis mis à écouter plus de musique classique et plus de jazz que je l'avais fait depuis longtemps. Une grande partie de la country vient de nos voyages à travers les États-Unis. Il n'y avait pas grand-chose d'autre à entendre dans le Midwest. Il y a là-dedans une merveilleuse simplicité - c'est une autre forme de blues - et puis il y a cet adorable machin en Formica blanc ou en plastique par-dessus tout ça. Les Everly Brothers sont on ne peut plus country, mais ils ont fait quelques-uns des meilleurs disques de rock'n'roll de tous les temps: Wake Up Little Suzy, Bye Bye Love, Cathie's Clown. J'écoutais donc ce que faisaient les autres, heureux de me poser et de parler avec des gens comme Robert Fraser, Christopher Gibbs ou Michael Cooper, et puis on a aussi pu voir les Beatles. Il y a eu infiniment plus de contacts entre les membres des Stones et ceux des Beatles que jamais auparavant, depuis qu'ils nous avaient donné I Wanna To Be Your Man. À cette époque-là, ils occultaient tout. Les Beatles ne pouvaient pas se tromper; ce n'était pas leur opinion à eux, mais celle du grand public. Tout ce qu'ils faisaient devenait à chaque fois meilleur et plus sidérant - qu'avec le recul cela soit vrai ou faux, c'est un autre problème -, mais ils étaient aussi comme nous, ils subissaient une écrasante pression qui les obligeait à faire sans cesse du nouveau, à essayer de se réajuster à une société en pleine mutation.
MICK: Mis à part la slide sur No Expectations, Brian n'a pas vraiment été impliqué dans Beggars Banquet; c'est tout ce qu'il a fait sur le disque entier. Il ne venait pas aux séances et n'allait pas bien. D'ailleurs, je crois qu'on ne voulait pas qu'il vienne.
KEITH: Le grand problème de Brian n'était pas musical, il y avait quelque chose en lui qui voulait qu'il foute tout en l'air quand tout se passait bien. Je connais ce sentiment: il y a un démon en moi, mais je n'en ai qu'un seul. Brian, lui, en avait probablement quarante-cinq de plus. Avec Brian, ce n'était qu'orgueil auto destructeur. Si on avait vécu dans un autre siècle, je me serais battu chaque jour en duel avec cet enfoiré. Il montait sur ses petits ergots à propos de n'importe quoi et en faisait tout un fromage - «Tu ne m'as pas souri aujourd'hui» -, et puis il est devenu si défoncé qu'il n'a plus été qu'une chose qu'on posait dans un coin.
CHARLIE: Je crois qu'à l'époque, l'estime qu'avait Brian envers lui-même avait sérieusement diminué. Keith était très dominateur - et puis il avait piqué sa petite amie à Brian. Brian a vraiment touché le fond, et je ne crois pas qu'il s'en soit jamais remis. Je ne veux pas dire qu'il en a voulu à Keith, mais c'est arrivé et puis voilà. Je crois que Brian a perdu toute motivation, que ça l'intéressait davantage d'être une pop star qu'un musicien, ce qui est le cas de bien des gens. C'était aussi une période où beaucoup de gens quittaient les groupes pour aller fonder le leur. Brian a été le premier d'entre nous à rencontrer Bob Dylan, Jimi Hendrix et tous ces gens, il évoluait dans ce cercle-là - il est allé à New York pour y faire la connaissance d'Allen Ginsberg. Brian a toujours rêvé de devenir un chanteur et un meneur d'hommes, mais il n'était ni l'un ni l'autre. C'est assurément lui qui, au début, avait travaillé le plus dur à la promotion du groupe - avant qu'Andrew le supplante et s'en sorte bien mieux. Brian était un très bon et très adaptable guitariste, comme moi en tant que batteur, mais ce n'était ni Jimi Hendrix, ni Jeff Beck, ni Mick Taylor, il n'avait pas ce don particulier. Quand on tente de devenir un virtuose alors qu'on n'est qu'un très bon instrumentiste, les choses deviennent très difficiles.
KEITH: On était bien contents que Brian ne soit pas là pour Beggars Banquet, parce que, en son absence, on pouvait vraiment travailler. Et, bien entendu, il y avait désormais le problème avec Anita, qui a probablement été le dernier clou dans le cercueil en ce qui concerne Brian et les Stones. A ce stade-là, il était résolu à ne plus s'impliquer dans ce que nous faisions. Il s'évadait dans toutes ses idées grandioses; «Je vais écrire et produire, je vais faire des films. » Il vivait dans un rêve.
Franchement, c'était un emmerdeur. Nous n'avions pas le temps de nous occuper d'un passager. Ce groupe ne peut supporter aucun poids mort - aucun groupe ne le peut - et en même temps c'était presque comme si Brian essayait de foutre les Stones en l'air en n'étant pas là. Il était terriblement imbu de lui-même, peut-être parce qu'il était tout petit. Je veux dire, pourquoi un type irait s'acheter une Humber Super Snipe alors qu'il ne peut même pas voir par-dessus le volant?
MICK: Keith et moi sommes allés en Italie où Keith a eu l'idée de Midnight Rambler, et on s'est mis à modifier les tempos à l'intérieur du morceau. Mélodiquement ça reste la même chose, seuls les tempos changent. On a travaillé là-dessus à la guitare acoustique et à l'harmonica, on jammait, on a passé en revue les changements de tempo et tout était en place quand il a fallu l'enregistrer pour Let it bleed.
CHARLIE: Jimmy Miller a joué de la batterie sur quelques titres de Let It Bleed, y compris You Can't Always GetWhatYou Want que j'ai ensuite reproduit. C'est dire combien Jimmy était bon en matière d'écoute de chansons. Ce n'était pas un grand baneur, mais il était grand quand il s'agissait de jouer sur un disque, ce qui est complètement différent. You Can't Always Get What You Want est un grand moment de batterie. D'ailleurs,Jimmy m'a fait réfléchir quant à ma façon de jouer en studio, et grâce à lui je suis devenu un bien meilleur batteur de studio - on a fait ensemble quelques-uns de nos tout meilleurs disques, parmi lesquels Honky Tonk Women. Pour moi, Jimmy a contribué pour un sixième à ces chansons-là. Mick dirait dans doute: «Conneries, tu as tout fait toi-même», mais c'est ce que je pense. Jimmy m'a appris à me discipliner en studio. Il me montrait, me disait des trucs et a très bien organisé un tas de choses. Il a été un très bon producteur pour notre groupe. Il a également eu de la chance, parce qu'il est arrivé à une période planante - littéralement - et est tombé sur un Mick et un Keith qui étaient, eux, dans une période extrêmement créative.
MICK: You Can't Always Get What You Want, c'est un truc que j'ai simplement joué à la guitare sèche, une de ces chansons de chambre à coucher. Elle s'est avérée très difficile à enregistrer parce que Charlie n'arrivait pas à choper le groove, alors c'est Jimmy qui a dû tenir la banerie. J'ai aussi eu l'idée de la chorale pour ce titre, si possible une chorale de gospel, mais à l'époque il n'yen avait aucune dans les environs. Jack Nitzsche ou quelqu'un d'autre a dit qu'on pourrait avoir le London Bach Choir, e nous on a répondu: «ça va être amusant.»
RONNIE: Avant de me joindre au groupe, jamais je n'aurais pu croire que ce n'est pas Charlie qui joue sur You Can't Always Get What You Want.
MICK: On a fait Gimme Shelter dans une grande salle des Olympic Studios et les overdubs à L.A. avec Merry Clay ton. À Londres, Keith avait joué une ou deux fois le groove tout seul, même si je crois que Brian était encore là, il était peut-être même dans le studio - mais il n'y avait pas de voix. C'est le producteur qui a eu l'idée d'utiliser une voix de femme. Un de ces moments du genre: «Je vois bien une fille sur ce titre - appelez-en une au téléphone.»
CHARLIE: Sur scène, nous n'avons jamais rejoué l'intro de Honky Tonk Women comme sur le disque. C'est Jimmy qui joue de la cowbell, et soit il rate son entrée, soit je rate la mienne - mais Keith, lui, entre au bon moment, ce qui fait que l'ensemble tient debout. C'est une de ces choses que les musicologues pourraient analyser pendant des années. En fait c'est une erreur, mais à mon avis ça fonctionne.